Détermination du potentiel de liquéfaction d'un sable (Essai SPT)
Contexte : Quand le Sol Devient Liquide
La liquéfactionPhénomène par lequel un sol saturé, généralement sableux et lâche, perd brutalement sa résistance au cisaillement sous l'effet de chargements rapides (comme un séisme) et se comporte comme un liquide. est l'un des phénomènes les plus dévastateurs en génie parasismique. Lors d'un tremblement de terre, les secousses peuvent faire augmenter la pression de l'eau dans les pores d'un sol sableux saturé au point d'annuler les contraintes entre les grains. Le sol perd alors toute portance et se comporte comme un fluide, entraînant des tassements catastrophiques et des effondrements d'ouvrages. L'essai au pénétromètre standard (SPT) est une méthode de terrain classique pour évaluer ce risque en mesurant la résistance du sol au battage.
Remarque Pédagogique : L'analyse de la liquéfaction est une "course contre la montre" entre la charge appliquée par le séisme (la demande) et la capacité du sol à y résister (la résistance). Cet exercice a pour but de quantifier ces deux termes pour calculer un facteur de sécurité, une démarche fondamentale en ingénierie.
Objectifs Pédagogiques
- Comprendre le mécanisme de la liquéfaction des sols.
- Calculer la contrainte de cisaillement cyclique (CSR) induite par un séisme.
- Corriger le nombre de coups SPT (\(N_{SPT}\)) pour obtenir la valeur normalisée \((N_1)_{60}\).
- Calculer la résistance au cisaillement cyclique (CRR) du sol à partir de \((N_1)_{60}\).
- Déterminer le facteur de sécurité contre la liquéfaction et interpréter le résultat.
Données de l'étude
Profil de Sol et Conditions Sismiques
- Profondeur de la couche étudiée : \(z = 6.0 \, \text{m}\)
- Profondeur de la nappe phréatique : \(z_w = 2.0 \, \text{m}\)
- Poids volumique total du sol : \(\gamma = 18.5 \, \text{kN/m}^3\)
- Poids volumique de l'eau : \(\gamma_w = 9.81 \, \text{kN/m}^3\)
- Résultat brut de l'essai SPT : \(N_{SPT} = 12\) coups
Questions à traiter
- Calculer la contrainte verticale totale (\(\sigma_v\)) et la contrainte verticale effective (\(\sigma'_{v0}\)) à 6m de profondeur.
- Calculer le nombre de coups SPT corrigé, \((N_1)_{60}\). On prendra un facteur de correction pour l'énergie de 1.0.
- Calculer la contrainte de cisaillement cyclique (CSR) induite par le séisme.
- Calculer la résistance au cisaillement cyclique (CRR) du sable.
- Calculer le facteur de sécurité contre la liquéfaction et conclure sur le risque.
Correction : Analyse du Potentiel de Liquéfaction
Question 1 : Calcul des Contraintes Verticales
Principe :
La contrainte totale (\(\sigma_v\)) à une profondeur \(z\) est simplement le poids de toutes les couches de sol situées au-dessus. La contrainte effective (\(\sigma'_{v0}\)) est cette contrainte totale de laquelle on soustrait la pression de l'eau (\(u\)) à la même profondeur. C'est cette contrainte effective qui maintient les grains de sable en contact et assure la résistance du sol.
Remarque Pédagogique :
Point Clé : Le calcul des contraintes est la première étape de presque tous les problèmes de géotechnique. Une erreur ici se répercutera sur tous les calculs suivants. Il faut être particulièrement vigilant à la position de la nappe phréatique.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- Profondeur d'intérêt : \(z = 6.0 \, \text{m}\)
- Profondeur de la nappe : \(z_w = 2.0 \, \text{m}\)
- Poids volumique du sol : \(\gamma = 18.5 \, \text{kN/m}^3\)
- Poids volumique de l'eau : \(\gamma_w = 9.81 \, \text{kN/m}^3\)
Calcul(s) :
Points de vigilance :
Poids volumique déjaugé : Une autre façon de calculer \(\sigma'_{v0}\) est d'utiliser le poids volumique déjaugé (\(\gamma' = \gamma - \gamma_w\)) pour la partie du sol sous la nappe. \(\sigma'_{v0} = (\gamma \cdot z_w) + (\gamma' \cdot (z-z_w))\). Le résultat est identique.
Le saviez-vous ?
Question 2 : Nombre de Coups SPT Corrigé (\((N_1)_{60}\))
Principe :
Le nombre de coups SPT brut (\(N_{SPT}\)) dépend de la profondeur où il est mesuré (à cause du poids des terres) et de l'énergie de l'équipement utilisé. Pour pouvoir comparer les résultats entre différents sites, on le "normalise" à une contrainte effective de référence (100 kPa) et une énergie de référence (60% de l'énergie théorique). La correction la plus importante est celle de la contrainte de confinement, \(C_N\).
Remarque Pédagogique :
Point Clé : Sans cette correction, on comparerait des choses incomparables. Un sable lâche en surface pourrait donner le même \(N_{SPT}\) qu'un sable dense en profondeur. La correction \((N_1)_{60}\) permet de s'affranchir de cet effet de profondeur pour évaluer la compacité intrinsèque du sable.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- Nombre de coups brut : \(N_{SPT} = 12\)
- Contrainte effective : \(\sigma'_{v0} = 71.8 \, \text{kPa}\)
- Pression atmosphérique de référence : \(P_a = 100 \, \text{kPa}\)
Calcul(s) :
Points de vigilance :
Autres corrections : Dans une analyse complète, on applique aussi des facteurs pour la longueur des tiges, le type d'échantillonneur, le diamètre du forage, et l'énergie du marteau. Ici, on suppose que ces facteurs sont égaux à 1 pour simplifier.
Le saviez-vous ?
Question 3 : Contrainte de Cisaillement Cyclique (CSR)
Principe :
Le CSR (Cyclic Stress Ratio) représente la "demande" sismique. C'est la contrainte de cisaillement cyclique induite dans le sol par le tremblement de terre, normalisée par la contrainte effective verticale. Plus le séisme est fort (\(a_{max}\) élevé) et plus la couche est profonde (\(\sigma_v\) élevé), plus la sollicitation est importante.
Remarque Pédagogique :
Point Clé : Le CSR est ce que le sol "subit". C'est l'effort que le tremblement de terre impose à la couche de sable. La formule simplifiée de Seed & Idriss est une méthode reconnue mondialement pour estimer cet effort.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- \(\frac{a_{max}}{g} = 0.4\)
- \(\sigma_v = 111.0 \, \text{kPa}\)
- \(\sigma'_{v0} = 71.8 \, \text{kPa}\)
- Coefficient de réduction de contrainte \(r_d\). Pour \(z=6\)m, \(r_d \approx 1 - 0.015 \times 6 = 0.91\).
Calcul(s) :
Points de vigilance :
Coefficient \(r_d\) : Ce coefficient, qui diminue avec la profondeur, tient compte du fait que le sol n'est pas un corps rigide. Les couches profondes sont "amorties" par les couches supérieures et subissent donc une accélération moindre.
Le saviez-vous ?
Question 4 : Résistance au Cisaillement Cyclique (CRR)
Principe :
Le CRR (Cyclic Resistance Ratio) représente la "capacité" du sol à résister à la liquéfaction. Il est déterminé empiriquement à partir de la valeur corrigée \((N_1)_{60}\). Plus le sol est dense (plus \((N_1)_{60}\) est élevé), plus sa résistance est grande. On utilise des abaques ou des formules issues de l'analyse de nombreux cas historiques.
Remarque Pédagogique :
Point Clé : Le CRR est ce que le sol "peut supporter". C'est sa résistance intrinsèque à la sollicitation cyclique. Cette valeur est une propriété du matériau, qui dépend de sa densité, de sa structure et de son histoire.
Formule(s) utilisée(s) :
Formule simplifiée de Seed & Idriss pour un séisme de magnitude 7.5 et des sables avec moins de 5% de fines :
Donnée(s) :
- \((N_1)_{60} = 14\)
Calcul(s) :
Points de vigilance :
Corrections additionnelles : Cette formule est valable pour un séisme de magnitude 7.5 et un sable propre. Pour d'autres magnitudes ou des sables contenant des fines (limons, argiles), des facteurs de correction supplémentaires (MSF, Kσ) doivent être appliqués.
Le saviez-vous ?
Question 5 : Facteur de Sécurité (FS) et Conclusion
Principe :
Le facteur de sécurité est le rapport entre la capacité du sol à résister (CRR) et la demande sismique (CSR). Si ce rapport est supérieur à 1 (généralement, on vise 1.25 à 1.5 en pratique), le sol est considéré comme stable. S'il est inférieur à 1, la liquéfaction est probable.
Remarque Pédagogique :
Point Clé : Le facteur de sécurité est la conclusion de l'analyse. C'est le chiffre qui dit à l'ingénieur si le site est sûr ou s'il faut prendre des mesures. Un FS < 1 est un signal d'alarme qui impose une action corrective.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- Résistance : \(CRR = 0.18\)
- Sollicitation : \(CSR = 0.37\)
Calcul(s) :
Points de vigilance :
Interprétation : Un facteur de sécurité n'est pas une certitude absolue, mais une évaluation du risque. Un FS de 0.9 ne signifie pas que le sol va se liquéfier à 100%, mais que la probabilité est très élevée. Inversement, un FS de 1.1 ne garantit pas une sécurité totale.
Le saviez-vous ?
Simulation Interactive du Risque de Liquéfaction
Modifiez le nombre de coups SPT (la densité du sol) et l'accélération sismique pour voir comment le facteur de sécurité évolue.
Paramètres de l'Essai et du Séisme
Résultats de l'Analyse
Le Saviez-Vous ?
Le phénomène de liquéfaction a été massivement étudié et compris suite aux séismes de Niigata (Japon) et d'Alaska en 1964. Des bâtiments entiers ont basculé et se sont "enfoncés" dans un sol devenu liquide, alors même que les structures des bâtiments étaient restées intactes.
Foire Aux Questions (FAQ)
Que faire si le sol est liquéfiable ?
Plusieurs solutions existent. On peut "améliorer" le sol avant la construction par des techniques de compactage (vibroflottation, compactage dynamique) ou en installant des drains verticaux pour évacuer rapidement la pression de l'eau. On peut aussi opter pour des fondations profondes (pieux) qui traversent la couche liquéfiable pour s'ancrer dans un sol plus résistant.
Seuls les sables peuvent-ils se liquéfier ?
Principalement, oui. Le risque est maximal pour les sables fins, uniformes, lâches et saturés. Les graviers se drainent trop vite pour que la pression de l'eau augmente significativement. Les argiles ont une cohésion entre particules qui les empêche de perdre toute résistance, bien qu'elles puissent subir un autre type de rupture cyclique.
Quiz Final : Testez vos connaissances
1. Un séisme de magnitude plus élevée (ex: M=8.0 au lieu de 7.5) va principalement :
2. Pour un même séisme, une couche de sable est plus susceptible de se liquéfier si elle est :
Glossaire
- Liquéfaction
- Perte de résistance au cisaillement d'un sol saturé sous l'effet d'un chargement cyclique, le faisant se comporter comme un liquide.
- Essai au Pénétromètre Standard (SPT)
- Essai in-situ où l'on mesure le nombre de coups (\(N_{SPT}\)) nécessaires pour enfoncer un carottier d'une certaine distance dans le sol.
- \((N_1)_{60}\)
- Nombre de coups SPT normalisé pour une contrainte effective de 100 kPa et une énergie de 60%. C'est un indicateur de la densité relative du sable.
- CSR (Cyclic Stress Ratio)
- Ratio de Contrainte Cyclique. Représente la sollicitation de cisaillement induite par le séisme sur le sol.
- CRR (Cyclic Resistance Ratio)
- Ratio de Résistance Cyclique. Représente la capacité du sol à résister à la sollicitation sismique sans se liquéfier.
- Facteur de Sécurité (FS)
- Rapport entre la résistance (CRR) et la sollicitation (CSR). Un FS inférieur à 1 indique un risque de liquéfaction.
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