Calcul du Renforcement par Longrines

Génie Civil : Calcul du Renforcement par Longrines entre Semelles Isolées

Calcul du renforcement nécessaire (longrines) entre des semelles isolées

Contexte : Assurer la Cohésion des Fondations

Dans de nombreux cas, les semelles isolées sous poteaux ne peuvent pas être considérées comme des éléments indépendants. Des phénomènes comme les tassements différentiels, les actions sismiques, ou la reprise de moments au pied des poteaux peuvent provoquer des déplacements relatifs entre les semelles. Pour éviter ces déplacements et garantir que la structure se comporte comme un ensemble cohérent, on relie les semelles par des poutres en béton armé appelées longrinesPoutre en béton armé reliant des têtes de pieux ou des semelles de fondation pour répartir les charges, s'opposer aux déplacements différentiels et reprendre les efforts de traction ou de compression. ou "poutres de liaison". Ces longrines doivent être dimensionnées pour résister aux efforts de traction ou de compression qui peuvent s'y développer. Cet exercice se concentre sur le calcul des armatures nécessaires pour une longrine en traction.

Remarque Pédagogique : La présence de longrines transforme un ensemble de fondations ponctuelles en un système de fondation réticulé, beaucoup plus robuste. C'est une exigence réglementaire dans les zones sismiques, mais c'est aussi une bonne pratique sur les sols hétérogènes ou compressibles pour limiter les risques de désordres dans la superstructure.


Objectifs Pédagogiques

  • Comprendre le rôle et le fonctionnement d'une longrine de liaison.
  • Identifier les actions pouvant générer des efforts de traction dans une longrine.
  • Calculer l'effort de traction de calcul à l'État Limite Ultime (ELU).
  • Dimensionner la section d'acier nécessaire pour reprendre cet effort de traction.
  • Choisir un ferraillage commercialement disponible et vérifier les conditions de non-fragilité.

Données de l'étude

Deux semelles isolées sont reliées par une longrine en béton armé de section rectangulaire \(b \times h = 30 \, \text{cm} \times 40 \, \text{cm}\). Sous l'effet d'un tassement différentiel ou d'une action sismique, un effort de traction de service \(N_{\text{ser}} = 120 \, \text{kN}\) est susceptible d'apparaître dans la longrine.

Système Semelles-Longrine
N_ser

Données des matériaux et de calcul (Eurocode 2) :

  • Béton : \(f_{ck} = 25 \, \text{MPa}\).
  • Acier : nuance Fe E 500 (limite d'élasticité \(f_{yk} = 500 \, \text{MPa}\)).
  • Coefficient partiel de sécurité pour les actions permanentes (défavorables) : \(\gamma_G = 1.35\). (On suppose que l'effort de traction est une action permanente).
  • Coefficient partiel de sécurité pour l'acier : \(\gamma_s = 1.15\).

Questions à traiter

  1. Calculer l'effort de traction de calcul à l'ELU, \(N_{Ed}\).
  2. Déterminer la section d'armatures en acier (\(A_s\)) requise pour reprendre cet effort.
  3. Proposer un ferraillage commercial (nombre et diamètre de barres) et vérifier la condition de ferraillage minimal.

Correction : Calcul du Renforcement par Longrines

Question 1 : Calcul de l'Effort de Traction de Calcul (\(N_{Ed}\))

Principe :
N_ser x γG N_Ed

Le dimensionnement des armatures se fait à l'État Limite Ultime (ELU). Pour cela, on doit convertir les charges de service (caractéristiques) en charges de calcul en les multipliant par les coefficients de sécurité partiels appropriés. Comme l'effort de traction est considéré comme une action permanente défavorable, on utilise le coefficient \(\gamma_G\).

Remarque Pédagogique :

Point Clé : La pondération des charges est une étape fondamentale de la philosophie de calcul des Eurocodes. Elle vise à s'assurer que la structure dispose d'une marge de sécurité suffisante pour faire face aux incertitudes sur les valeurs des charges et sur la résistance des matériaux.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ N_{Ed} = N_{\text{ser}} \times \gamma_G \]
Donnée(s) :
  • Effort de traction de service \(N_{\text{ser}} = 120 \, \text{kN}\)
  • Coefficient de sécurité \(\gamma_G = 1.35\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} N_{Ed} &= 120 \times 1.35 \\ &= 162 \, \text{kN} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Nature de l'action : Il est essentiel de bien identifier la nature de l'action (permanente, variable, accidentelle) pour appliquer le bon coefficient de sécurité. Si l'effort était dû à une action variable (comme le vent), le coefficient aurait été \(\gamma_Q = 1.5\).

Le saviez-vous ?
Résultat : L'effort de traction de calcul à l'ELU est \(N_{Ed} = 162 \, \text{kN}\).

Question 2 : Détermination de la Section d'Acier Requise (\(A_s\))

Principe :
Section de la longrine N_Ed f_yd

En traction simple, on considère que le béton est fissuré et ne participe pas à la résistance. L'effort de traction \(N_{Ed}\) doit donc être entièrement repris par les armatures en acier. La section d'acier \(A_s\) nécessaire est obtenue en divisant l'effort par la limite d'élasticité de calcul de l'acier.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : La limite d'élasticité de calcul de l'acier (\(f_{yd}\)) est obtenue en divisant la limite caractéristique (\(f_{yk}\)) par le coefficient de sécurité partiel \(\gamma_s\). C'est cette valeur réduite qui doit être utilisée dans les calculs de dimensionnement à l'ELU.

Formule(s) utilisée(s) :

Limite d'élasticité de calcul de l'acier :

\[ f_{yd} = \frac{f_{yk}}{\gamma_s} \]

Section d'acier requise :

\[ A_s \ge \frac{N_{Ed}}{f_{yd}} \]
Donnée(s) :
  • Effort de traction de calcul \(N_{Ed} = 162 \, \text{kN}\)
  • Limite d'élasticité caractéristique de l'acier \(f_{yk} = 500 \, \text{MPa}\)
  • Coefficient de sécurité de l'acier \(\gamma_s = 1.15\)
Calcul(s) :

1. Limite d'élasticité de calcul de l'acier :

\[ \begin{aligned} f_{yd} &= \frac{500}{1.15} \\ &\approx 434.78 \, \text{MPa} \end{aligned} \]

2. Section d'acier requise (attention aux unités) :

\[ \begin{aligned} A_s &\ge \frac{162 \times 10^3 \, \text{N}}{434.78 \, \text{N/mm}^2} \\ &\ge 372.6 \, \text{mm}^2 \\ &\ge 3.73 \, \text{cm}^2 \end{aligned} \]
Résultat : La section d'acier minimale requise est \(A_s = 3.73 \, \text{cm}^2\).

Question 3 : Choix du Ferraillage et Vérification

Principe :

On choisit une combinaison de barres d'armature standards (diamètres commerciaux) dont la section totale est supérieure ou égale à la section requise. Ensuite, on doit vérifier que ce ferraillage respecte la condition de non-fragilité (ou ferraillage minimal), qui garantit que la rupture de l'élément, si elle se produit, sera ductile (avec avertissement) et non fragile.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : Le choix du ferraillage est un acte pratique. On cherche une combinaison simple à mettre en œuvre sur chantier (éviter trop de diamètres différents) et qui s'insère correctement dans la section de béton en respectant les règles d'enrobage et d'espacement.

Formule(s) utilisée(s) :

Condition de ferraillage minimal en traction (Eurocode 2) :

\[ A_{s, \text{min}} = 0.26 \times \frac{f_{ctm}}{f_{yk}} \times b_t \times d \]

Où \(f_{ctm}\) est la résistance moyenne en traction du béton, et \(b_t \times d\) est l'aire de la section tendue.

Donnée(s) :
  • Section requise \(A_{s, \text{req}} = 3.73 \, \text{cm}^2\)
  • Béton C25/30 : \(f_{ck} = 25 \, \text{MPa} \Rightarrow f_{ctm} = 2.6 \, \text{MPa}\)
  • Section de la longrine : \(b \times h = 300 \, \text{mm} \times 400 \, \text{mm}\)
  • Acier : \(f_{yk} = 500 \, \text{MPa}\)
Calcul(s) :

1. Choix du ferraillage :

On cherche une section d'acier \(A_s \ge 3.73 \, \text{cm}^2\).
Essayons 4 barres de diamètre 12 mm (4 HA 12).
Section d'une barre HA 12 : \(A_{\text{HA12}} = \pi \times (12/2)^2 \approx 113 \, \text{mm}^2 = 1.13 \, \text{cm}^2\).
Section totale :

\[ A_{s, \text{choisi}} = 4 \times 1.13 = 4.52 \, \text{cm}^2 \]

On a bien \(4.52 \, \text{cm}^2 \ge 3.73 \, \text{cm}^2\). Le choix est acceptable.

2. Vérification du ferraillage minimal :

\[ \begin{aligned} A_{s, \text{min}} &= 0.26 \times \frac{2.6}{500} \times (300 \times 400) \\ &= 0.001352 \times 120000 \\ &= 162.24 \, \text{mm}^2 \\ &= 1.62 \, \text{cm}^2 \end{aligned} \]

3. Comparaison finale :

\[ A_{s, \text{choisi}} = 4.52 \, \text{cm}^2 \ge A_{s, \text{min}} = 1.62 \, \text{cm}^2 \Rightarrow \text{VÉRIFIÉ} \]
Résultat : On choisit un ferraillage de 4 HA 12 (\(A_s = 4.52 \, \text{cm}^2\)). Les conditions de résistance et de non-fragilité sont respectées.

Simulation Interactive

Faites varier l'effort de traction de service et la classe de béton pour voir leur impact sur la section d'acier requise.

Paramètres de Conception
Section d'acier requise (As,req)
Section d'acier minimale (As,min)
Sections d'Acier (cm²)

Le Saviez-Vous ?

Dans les zones à forte sismicité, les longrines sont cruciales. Les règles de conception parasismique (comme l'Eurocode 8) imposent des exigences de ferraillage minimal beaucoup plus strictes et des détails de construction spécifiques pour garantir que les longrines puissent se déformer de manière ductile sans rupture fragile lors d'un tremblement de terre.


Foire Aux Questions (FAQ)

Doit-on toujours mettre des longrines entre les semelles ?

Non, ce n'est pas toujours obligatoire. C'est nécessaire si des tassements différentiels sont attendus, en zone sismique, ou si la structure (portiques) génère des efforts horizontaux à la base des poteaux. Pour une structure simple sur un sol de très bonne qualité, on peut parfois s'en passer, mais c'est une décision qui doit être justifiée par une étude géotechnique et structurelle.

La longrine participe-t-elle à la résistance à la flexion ?

Oui, une longrine est une poutre et elle peut être sollicitée en flexion, par exemple par le poids des murs qu'elle supporte ou par la pression des terres. Dans ce cas, il faut la dimensionner à la flexion composée (flexion + effort normal), ce qui est un calcul plus complexe que la simple traction.


Quiz Final : Testez vos connaissances

1. Si on utilise un acier de plus haute performance (ex: fyk = 600 MPa), la section d'acier requise pour le même effort sera :

2. La condition de ferraillage minimal \(A_{s, \text{min}}\) sert principalement à :


Glossaire

Longrine
Poutre en béton armé reliant des têtes de pieux ou des semelles de fondation pour répartir les charges, s'opposer aux déplacements différentiels et reprendre les efforts de traction ou de compression.
Semelle Isolée
Type de fondation superficielle, généralement en béton armé et de forme carrée ou rectangulaire, qui supporte la charge d'un seul élément porteur (poteau).
État Limite Ultime (ELU)
État qui correspond à la ruine de l'ouvrage ou d'un de ses éléments. Les calculs à l'ELU utilisent des charges d'actions majorées et des résistances de matériaux minorées par des facteurs partiels de sécurité.
Ferraillage Minimal
Section d'armatures minimale requise par les règlements (comme l'Eurocode 2) pour garantir un comportement ductile de l'élément en béton armé et éviter une rupture fragile.
Limite d'Élasticité (\(f_{yk}\))
Contrainte maximale que l'acier peut supporter avant de commencer à se déformer de manière permanente (plastique). C'est la principale caractéristique mécanique pour le dimensionnement des armatures.
Calcul du renforcement nécessaire (longrines) entre des semelles isolées

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