Calcul de la capacité portante d'une fondation sur sol stratifié
Contexte : Le Risque du Poinçonnement à Travers les Couches
Il est très courant en géotechnique de rencontrer des profils de sol stratifiés, c'est-à-dire composés de plusieurs couches aux propriétés mécaniques différentes. Un cas de figure classique et potentiellement dangereux est celui d'une fondation reposant sur une couche de sol résistante (ex: sable dense, remblai compacté) de faible épaisseur, qui surmonte une couche de sol beaucoup plus molle (ex: argile, vase). Dans cette situation, la capacité portante n'est pas simplement celle de la couche de surface. Il existe un risque que la fondation "poinçonne" la couche résistante et provoque la rupture de la couche molle sous-jacente. L'analyse doit donc prendre en compte les deux mécanismes de rupture possibles.
Remarque Pédagogique : Ce problème illustre un principe fondamental : une fondation "sent" le sol jusqu'à une profondeur d'environ 1.5 à 2 fois sa largeur. Il ne suffit donc jamais d'analyser uniquement le sol situé immédiatement sous la semelle. Il est impératif de connaître la nature des couches plus profondes pour garantir la sécurité de l'ouvrage.
Objectifs Pédagogiques
- Comprendre les mécanismes de rupture possibles pour une fondation sur sol bicouche.
- Calculer la capacité portante d'une couche granulaire à l'aide de la formule de Terzaghi.
- Calculer la résistance au poinçonnement d'une couche granulaire sur une couche cohérente.
- Estimer la diffusion des contraintes à travers une couche de sol.
- Déterminer la capacité portante globale du système bicouche.
Données de l'étude
Profil de Sol Stratifié
- Couche 1 (Sable) : Poids volumique \(\gamma_1 = 18 \, \text{kN/m}^3\), angle de frottement \(\phi'_1 = 38^\circ\), cohésion \(c'_1 = 0 \, \text{kPa}\).
- Couche 2 (Argile) : Cohésion non drainée \(c_{u,2} = 25 \, \text{kPa}\).
- Angle de diffusion des charges dans le sable (poinçonnement) : \(\delta = 20^\circ\).
- Facteurs de portance de Terzaghi pour \(\phi'_1 = 38^\circ\): \(N_q = 48.9\), \(N_\gamma = 78.0\).
Questions à traiter
- Calculer la capacité portante ultime (\(q_{\text{u},1}\)) en considérant uniquement la couche de sable (comme si elle était très épaisse).
- Calculer la capacité portante ultime par poinçonnement de la couche 1 sur la couche 2 (\(q_{\text{u,poinç}}\)).
- Déterminer la capacité portante ultime du système bicouche (\(q_{\text{u,sys}}\)) et conclure.
Correction : Capacité Portante sur Sol Stratifié
Question 1 : Capacité Portante de la Couche de Sable (\(q_{\text{u},1}\))
Principe :
On calcule d'abord la capacité portante comme si la fondation reposait sur une couche de sable homogène et infinie. On utilise la formule classique de Terzaghi qui additionne trois termes : la cohésion (nulle ici), la surcharge due à l'enterrement de la fondation, et la largeur de la fondation.
Remarque Pédagogique :
Point Clé : Cette valeur représente la résistance maximale si le mécanisme de rupture peut se développer entièrement dans la couche de sable. C'est une première borne supérieure pour la capacité portante réelle du système.
Formule(s) utilisée(s) :
Formule de Terzaghi pour une semelle filante :
Avec \(c'_1=0\), la formule se simplifie en :
Donnée(s) :
- Profondeur d'encastrement \(D_{\text{f}} = 1.0 \, \text{m}\)
- Largeur de la semelle \(B = 2.0 \, \text{m}\)
- Poids volumique du sable \(\gamma_1 = 18 \, \text{kN/m}^3\)
- Facteurs de portance : \(N_q = 48.9\), \(N_\gamma = 78.0\)
Calcul(s) :
1. Calcul de la surcharge effective \(q'\) :
2. Calcul de la capacité portante \(q_{\text{u},1}\) :
Points de vigilance :
Facteurs de portance : Les valeurs de \(N_q\) et \(N_\gamma\) sont extrêmement sensibles à la valeur de \(\phi'\). Une petite incertitude sur \(\phi'\) peut entraîner une grande variation de la capacité portante calculée. Il est crucial d'utiliser des valeurs prudentes pour cet angle.
Le saviez-vous ?
Question 2 : Capacité Portante par Poinçonnement (\(q_{\text{u,poinç}}\))
Principe :
Ce mécanisme suppose que la semelle poinçonne la couche de sable supérieure et reporte sa charge sur la couche d'argile molle sous-jacente. La charge se diffuse à travers le sable. La résistance est la somme de deux termes : la capacité portante de l'argile sous la surface "élargie" par la diffusion, et la résistance au cisaillement mobilisée sur le périmètre de poinçonnement à travers la couche de sable.
Remarque Pédagogique :
Point Clé : L'angle de diffusion \(\delta\) est un paramètre crucial. Il dépend de la densité et de l'angle de frottement du sable. Une diffusion plus large (angle \(\delta\) plus grand) est favorable car elle répartit la charge sur une plus grande surface de la couche molle, augmentant ainsi la capacité portante.
Formule(s) utilisée(s) :
La capacité portante par poinçonnement est donnée par la formule de Meyerhof et Hanna :
Pour simplifier (et de manière conservatrice), on néglige souvent les termes de cohésion-adhérence (\(c_a\)) et de butée (\(K_s\)) sur le fût de poinçonnement. La formule se réduit à la capacité de la couche inférieure :
avec \(N_c = 5.14\) pour une semelle filante sur argile.
Donnée(s) :
- Cohésion de l'argile \(c_{u,2} = 25 \, \text{kPa}\)
- Facteur de portance \(N_c = 5.14\)
- Poids volumique du sable \(\gamma_1 = 18 \, \text{kN/m}^3\)
- Profondeur d'encastrement \(D_{\text{f}} = 1.0 \, \text{m}\)
- Épaisseur de la couche de sable \(H_1 = 1.5 \, \text{m}\)
Calcul(s) :
1. Calcul de la surcharge à la base de la couche 1 :
2. Calcul de la capacité portante de la couche d'argile :
Points de vigilance :
Simplification : La formule utilisée est une simplification. La formule complète de Meyerhof et Hanna, qui inclut la résistance au cisaillement sur le périmètre de poinçonnement, donnerait une valeur plus élevée et moins conservatrice. Le choix de la méthode dépend du niveau de risque acceptable.
Le saviez-vous ?
Question 3 : Capacité Portante du Système et Conclusion
Principe :
La capacité portante réelle du système bicouche est la plus faible des deux valeurs calculées précédemment. Le mécanisme de rupture qui se produit est celui qui nécessite le moins d'énergie, et donc celui qui correspond à la capacité portante la plus basse.
Remarque Pédagogique :
Point Clé : C'est la règle du "maillon le plus faible". La résistance d'un système est déterminée par la résistance de son composant le plus fragile. Ici, la présence de la couche d'argile molle constitue le maillon faible et dicte la performance globale de la fondation, malgré la présence d'une bonne couche de sable en surface.
Formule(s) utilisée(s) :
Donnée(s) :
- Capacité portante de la couche 1 : \(q_{\text{u},1} = 2284 \, \text{kPa}\)
- Capacité portante par poinçonnement : \(q_{\text{u,poinç}} = 174 \, \text{kPa}\)
Calcul(s) :
Conclusion : La capacité portante de la fondation est gouvernée par le risque de poinçonnement de la couche de sable et la faible résistance de la couche d'argile sous-jacente. La résistance élevée de la couche de sable seule est illusoire et ne peut être utilisée pour le dimensionnement.
Points de vigilance :
Facteur de sécurité : La valeur de 174 kPa est une capacité portante *ultime*. Pour obtenir la capacité portante *admissible* (ou de service), il faut la diviser par un facteur de sécurité global, généralement compris entre 2.5 et 3. La contrainte de service appliquée par la fondation ne devra pas dépasser cette valeur admissible.
Le saviez-vous ?
Simulation Interactive
Faites varier l'épaisseur de la couche de sable et la cohésion de l'argile pour voir quel mécanisme de rupture devient prépondérant.
Paramètres du Sol
Comparaison des Capacités Portantes (kPa)
Le Saviez-Vous ?
La Tour de Pise est un exemple célèbre de problème de fondation sur sol stratifié. Elle est construite sur une couche de sable et d'argile de surface, qui surmonte une couche d'argile marine très molle. L'inclinaison est due au tassement différentiel de cette couche molle. Les travaux de stabilisation ont consisté à extraire du sol sous le côté le moins tassé pour redresser la tour.
Foire Aux Questions (FAQ)
Que se passe-t-il si la couche supérieure est plus molle que la couche inférieure ?
C'est un cas de figure beaucoup plus favorable. La capacité portante est simplement celle de la couche supérieure, car il n'y a aucun risque de poinçonnement vers une couche plus résistante. On dimensionne la fondation comme si elle reposait sur un sol homogène ayant les caractéristiques de la couche de surface.
La forme de la semelle a-t-elle une importance ?
Oui. Les formules de capacité portante incluent des facteurs de forme qui dépendent du rapport largeur/longueur de la semelle. Une semelle carrée ou circulaire est plus efficace qu'une semelle filante (très allongée) car le mécanisme de rupture peut se développer dans toutes les directions, mobilisant un plus grand volume de sol.
Quiz Final : Testez vos connaissances
1. Si l'épaisseur de la couche de sable supérieure augmente, la capacité portante du système :
2. Le mécanisme de poinçonnement est le plus critique lorsque :
Glossaire
- Capacité Portante
- Contrainte maximale que le sol peut supporter avant de subir une rupture par cisaillement. On distingue la capacité portante ultime (\(q_{\text{u}}\)) et la capacité portante admissible (\(q_{\text{adm}}\)), obtenue en appliquant un facteur de sécurité.
- Sol Stratifié
- Massif de sol composé de plusieurs couches superposées ayant des caractéristiques géotechniques différentes (granulométrie, densité, résistance...).
- Poinçonnement (Sol)
- Mode de rupture où une fondation traverse une couche de sol résistante pour faire céder une couche sous-jacente plus faible.
- Cohésion non drainée (\(c_u\))
- Résistance au cisaillement d'un sol fin (argile, limon) saturé lorsqu'il est chargé rapidement, sans avoir le temps de drainer l'eau qu'il contient. C'est le paramètre clé pour l'analyse à court terme des sols cohérents.
- Angle de Frottement Interne (\(\phi'\))
- Paramètre de cisaillement d'un sol qui caractérise sa "rugosité" interne, c'est-à-dire sa capacité à résister au glissement entre ses grains. C'est le paramètre clé pour les sols pulvérulents (sables, graves).
D’autres exercices de Fondations:
0 commentaires