Résistance au Cisaillement d’une Fracture Rocheuse

Mécanique des Roches : Résistance au Cisaillement (Barton-Bandis)

Estimation de la Résistance au Cisaillement d'une Fracture Rocheuse (Critère de Barton-Bandis)

Contexte : Au-delà du Frottement Simple

Le modèle de Mohr-Coulomb, qui décrit la résistance au cisaillement par une cohésion et un angle de frottement constants, est souvent trop simpliste pour les discontinuités rocheuses. En réalité, la résistance d'un joint n'est pas linéaire : elle dépend de la contrainte normale appliquée et de la rugosité de la surface. Le critère de Barton-Bandis est un modèle empirique plus avancé qui intègre ces complexités. Il utilise trois paramètres clés : le JRC (Joint Roughness Coefficient)Indice de 0 à 20 quantifiant la rugosité de la surface du joint., la résistance en compression du joint (JCS)Résistance à la compression de la roche des parois du joint, souvent estimée avec un marteau de Schmidt., et l'angle de frottement résiduel (\(\phi_r\))Angle de frottement de la surface du joint après que les aspérités ont été cisaillées ou usées.. Ce critère est fondamental pour une analyse précise de la stabilité des blocs rocheux.

Remarque Pédagogique : Maîtriser le critère de Barton-Bandis permet de comprendre pourquoi la résistance d'un joint rocheux diminue lorsque la contrainte normale augmente (les "dents" de la rugosité se cassent) et pourquoi elle dépend de la nature de la roche elle-même (via le JCS). C'est un outil essentiel pour des projets complexes comme les fondations de barrages ou la stabilité des grandes excavations.


Objectifs Pédagogiques

  • Comprendre les trois paramètres du critère de Barton-Bandis (JRC, JCS, \(\phi_r\)).
  • Calculer l'angle de frottement apparent d'un joint pour une contrainte normale donnée.
  • Calculer la résistance au cisaillement maximale (\(\tau\)) d'une discontinuité.
  • Analyser l'influence de la contrainte normale sur la résistance au cisaillement.

Données de l'étude

On analyse la stabilité d'un bloc de granite reposant sur un joint. Une étude géotechnique a permis de caractériser le joint :

Schéma du Joint Rocheux
σ'n τ
  • Indice de Rugosité du Joint (JRC) : 10
  • Résistance en compression de la paroi du joint (JCS) : 100 MPa
  • Angle de frottement résiduel : \(\phi_r = 30^\circ\)
  • La contrainte normale effective agissant sur le joint est : \(\sigma'_n = 1.0 \, \text{MPa}\)

Questions à traiter

  1. Calculer l'angle de frottement apparent (\(\phi'\)) du joint sous la contrainte normale donnée.
  2. En déduire la résistance au cisaillement maximale (\(\tau\)) du joint.
  3. Si une forte pluie augmente la pression d'eau et réduit la contrainte normale effective à \(\sigma'_n = 0.5 \, \text{MPa}\), quelle serait la nouvelle résistance au cisaillement ? Conclure.

Correction : Estimation de la Résistance au Cisaillement d'une Fracture Rocheuse

Question 1 : Calcul de l'Angle de Frottement Apparent (\(\phi'\))

Principe :
ϕr i ϕ' = ϕr + i

Le critère de Barton-Bandis stipule que l'angle de frottement total d'un joint (\(\phi'\)) n'est pas constant. Il est la somme de l'angle de frottement résiduel de la surface rocheuse (\(\phi_r\)) et d'un angle additionnel (\(i\)) dû à la rugosité. Cet angle \(i\) représente l'effort nécessaire pour "grimper" par-dessus les aspérités. Il dépend du JRC (la géométrie des aspérités), du JCS (la solidité des aspérités) et de la contrainte normale \(\sigma'_n\) (qui tend à cisailler les aspérités).

Remarque Pédagogique :

Point Clé : L'angle de frottement d'un joint n'est pas une constante intrinsèque comme pour un sol. Il diminue lorsque la contrainte normale augmente, car les aspérités ont tendance à se rompre plutôt qu'à provoquer un soulèvement (dilatance). C'est le cœur du modèle de Barton-Bandis.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ \phi' = \phi_r + i \]

avec l'angle de dilatance \(i\) donné par :

\[ i = \text{JRC} \log_{10}\left(\frac{\text{JCS}}{\sigma'_n}\right) \]
Donnée(s) :
  • JRC = 10
  • JCS = 100 MPa
  • \(\phi_r = 30^\circ\)
  • \(\sigma'_n = 1.0 \, \text{MPa}\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} i &= 10 \times \log_{10}\left(\frac{100}{1.0}\right) \\ &= 10 \times \log_{10}(100) \\ &= 10 \times 2 \\ &= 20^\circ \end{aligned} \]
\[ \phi' = 30^\circ + 20^\circ = 50^\circ \]
Points de vigilance :

Unités de JCS et \(\sigma'_n\) : Ces deux paramètres doivent être dans la même unité (ici, MPa) pour que leur rapport soit sans dimension avant de prendre le logarithme.

Le saviez-vous ?
Résultat : L'angle de frottement apparent du joint dans ces conditions est de 50°.

Question 2 : Calcul de la Résistance au Cisaillement (\(\tau\))

Principe :

Une fois l'angle de frottement apparent (\(\phi'\)) déterminé, la résistance au cisaillement (\(\tau\)) est calculée simplement à l'aide de l'équation de Mohr-Coulomb, en utilisant cet angle apparent. On considère généralement que la cohésion d'un joint non rempli est nulle.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : Le critère de Barton-Bandis n'est pas un nouveau critère de rupture en soi, mais plutôt une méthode sophistiquée pour calculer l'angle de frottement à utiliser dans le critère de Mohr-Coulomb, le rendant ainsi non-linéaire et plus réaliste.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ \tau = \sigma'_n \tan(\phi') \]
Donnée(s) :
  • Contrainte normale effective : \(\sigma'_n = 1.0 \, \text{MPa}\)
  • Angle de frottement apparent : \(\phi' = 50^\circ\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} \tau &= 1.0 \times \tan(50^\circ) \\ &= 1.0 \times 1.192 \\ &= 1.192 \, \text{MPa} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Calculatrice en degrés : Assurez-vous que votre calculatrice est bien en mode "degrés" et non "radians" ou "grades" avant de calculer la tangente de l'angle.

Le saviez-vous ?
Résultat : La résistance au cisaillement maximale du joint est \(\tau \approx 1.19 \, \text{MPa}\).

Question 3 : Influence de la Pression d'Eau

Principe :

Une augmentation de la pression d'eau dans le joint diminue la contrainte normale effective (\(\sigma'_n\)). Selon la formule de Barton-Bandis, une diminution de \(\sigma'_n\) augmente le terme logarithmique, et donc l'angle de frottement apparent \(i\). Cependant, la résistance finale (\(\tau\)) dépend du produit \(\sigma'_n \tan(\phi')\). Il faut donc refaire le calcul complet pour voir l'effet net.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : C'est un point contre-intuitif. Bien que la baisse de \(\sigma'_n\) rende le joint "plus rugueux" en apparence (l'angle \(\phi'\) augmente), l'effet global est une chute de la résistance car la force de "serrage" (\(\sigma'_n\)) qui génère le frottement a diminué de manière plus significative. C'est la confirmation que la pression d'eau est un facteur déstabilisant majeur.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ \phi' = \phi_r + \text{JRC} \log_{10}\left(\frac{\text{JCS}}{\sigma'_n}\right) \]
\[ \tau = \sigma'_n \tan(\phi') \]
Donnée(s) :
  • Nouvelle contrainte normale effective : \(\sigma'_n = 0.5 \, \text{MPa}\)
  • Autres paramètres inchangés : JRC=10, JCS=100 MPa, \(\phi_r = 30^\circ\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} i_{\text{humide}} &= 10 \times \log_{10}\left(\frac{100}{0.5}\right) \\ &= 10 \times \log_{10}(200) \\ &= 10 \times 2.301 \\ &= 23.01^\circ \end{aligned} \]
\[ \phi'_{\text{humide}} = 30^\circ + 23.01^\circ = 53.01^\circ \]
\[ \begin{aligned} \tau_{\text{humide}} &= 0.5 \times \tan(53.01^\circ) \\ &= 0.5 \times 1.328 \\ &= 0.664 \, \text{MPa} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Conclusion correcte : Ne pas conclure trop vite que l'augmentation de \(\phi'\) signifie une meilleure résistance. Il faut impérativement mener le calcul de \(\tau\) jusqu'au bout pour voir l'effet combiné de la variation de \(\sigma'_n\) et de \(\phi'\).

Le saviez-vous ?
Résultat : La nouvelle résistance au cisaillement est \(\tau \approx 0.66 \, \text{MPa}\). La saturation partielle du joint a réduit sa résistance de près de 45%, ce qui augmente considérablement le risque de glissement.

Simulation de la Résistance au Cisaillement

Faites varier la contrainte normale effective (\(\sigma'_n\)) et la rugosité (JRC) pour voir leur influence sur l'angle de frottement apparent et la résistance au cisaillement totale.

Paramètres de Simulation
Angle de Frottement Apparent (\(\phi'\))
Résistance au Cisaillement (\(\tau\))
Enveloppe de Rupture de Barton-Bandis

Pour Aller Plus Loin : Le Critère de Hoek-Brown

De la fracture au massif : Le critère de Barton-Bandis décrit le comportement d'un seul joint. Pour analyser la rupture d'un massif rocheux entier, qui implique la rupture à la fois le long des joints et à travers la roche intacte, on utilise des critères plus globaux comme celui de Hoek-Brown. Ce dernier utilise des paramètres comme le RMR et le GSI (Geological Strength Index) pour définir une enveloppe de rupture non-linéaire pour l'ensemble du massif.


Le Saviez-Vous ?


Foire Aux Questions (FAQ)

Comment mesure-t-on le JCS sur le terrain ?

Le JCS est la résistance à la compression de la roche des parois du joint. Idéalement, on la mesure en laboratoire sur des échantillons. Sur le terrain, une estimation rapide est souvent obtenue à l'aide d'un scléromètre (ou marteau de Schmidt), un appareil qui mesure la dureté de la surface par rebond d'une masse. Des corrélations permettent de lier l'indice sclérométrique au JCS.

Que se passe-t-il si un joint est rempli d'argile ?

Si un joint est rempli d'un matériau meuble comme de l'argile, son comportement change radicalement. La résistance n'est plus contrôlée par la rugosité de la roche, mais par les caractéristiques de l'argile (sa cohésion et son angle de frottement). Dans ce cas, le critère de Barton-Bandis n'est plus applicable et on utilise le critère de Mohr-Coulomb avec les paramètres de l'argile de remplissage.


Quiz Final : Testez vos connaissances

1. Selon le critère de Barton-Bandis, si la contrainte normale sur un joint augmente, son angle de frottement apparent :

2. Lequel de ces paramètres n'intervient PAS directement dans la formule de Barton-Bandis ?


Glossaire

Résistance au Cisaillement (\(\tau\))
Contrainte de cisaillement maximale qu'un plan peut supporter avant de rompre.
Critère de Barton-Bandis
Modèle empirique non-linéaire qui décrit la résistance au cisaillement d'un joint rocheux en fonction de la contrainte normale, de la rugosité (JRC), de la résistance des épontes (JCS) et du frottement résiduel (\(\phi_r\)).
JRC (Joint Roughness Coefficient)
Indice empirique (0-20) quantifiant la rugosité d'un joint.
JCS (Joint Compressive Strength)
Résistance à la compression de la roche des parois du joint, qui conditionne la rupture des aspérités.
Estimation de la Résistance au Cisaillement d'une Fracture Rocheuse

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