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Géotechnique : Calcul de la stabilité d'un mur en remblai renforcé par géogrilles

Calcul de la stabilité d'un mur en remblai renforcé par géogrilles

Contexte : Le Sol Armé par Géosynthétiques

Un mur en remblai renforcé par géogrillesMatériau géosynthétique à structure ouverte (grille) utilisé pour renforcer le sol. Il possède une haute résistance en traction. est une technique de soutènement de type "Terre Armée" (ou MSE - Mechanically Stabilized Earth). Le principe est de construire un mur en compactant un remblai de bonne qualité par couches successives, entre lesquelles on vient insérer des nappes de renforcement (les géogrilles). Ces nappes, très résistantes en traction, confinent le sol et reprennent les efforts horizontaux pour former un massif composite cohérent et stable. Le parement est souvent constitué de blocs de béton, de panneaux ou d'un simple retournement de la géogrille.

Remarque Pédagogique : Cette technologie transforme un matériau de remblai, qui n'a pas de résistance en traction, en un matériau composite capable de former des talus quasi-verticaux. La conception repose sur la vérification de la stabilité interne (rupture des renforts, arrachement) et externe (glissement, renversement du bloc renforcé).


Objectifs Pédagogiques

  • Calculer la poussée active des terres dans le massif renforcé.
  • Déterminer l'effort de traction maximal dans une nappe de géogrille.
  • Vérifier la résistance à la rupture de la géogrille.
  • Calculer la longueur d'ancrage nécessaire pour éviter l'arrachement (pull-out).
  • Déterminer la longueur totale requise pour les nappes de géogrille.

Données de l'étude

On dimensionne un mur en remblai renforcé de \(H = 4.8 \, \text{m}\) de haut. Le remblai renforcé est un matériau granulaire de bonne qualité. Le parement est vertical.

Schéma du Mur Renforcé par Géogrilles
Surcharge, q = 10 kPa Mur (H=4.8m) Géogrilles Plan de rupture H = 4.8 m Sv Remblai : γ=19 kN/m³ φ'=34°

Données :

  • Poids volumique du remblai : \(\gamma = 19 \, \text{kN/m}^3\)
  • Angle de frottement interne du remblai : \(\phi' = 34^\circ\)
  • Surcharge d'exploitation en tête : \(q = 10 \, \text{kPa}\)
  • Espacement vertical des géogrilles : \(S_v = 0.6 \, \text{m}\)
  • Résistance à la traction admissible à long terme de la géogrille : \(T_{al} = 30 \, \text{kN/ml}\)
  • Coefficient d'interaction sol-géogrille : \(C_i = 0.8\)
  • Facteur de sécurité à l'arrachement : \(F_S = 1.5\)

Questions à traiter

  1. Calculer le coefficient de poussée active \(K_a\) et la contrainte horizontale maximale \(\sigma'_{h,max}\) à la base du mur.
  2. Déterminer l'effort de traction maximal \(T_{max}\) sollicitant la nappe de géogrille la plus basse.
  3. Vérifier la stabilité de la nappe à la rupture par traction.
  4. Calculer la longueur d'ancrage \(L_e\) et la longueur totale \(L\) requises pour la nappe la plus basse.

Correction : Calcul de la stabilité d'un mur en remblai renforcé par géogrilles

Question 1 : Poussée Active et Contrainte Maximale

Principe :
H Ka*q σ'h,max

La première étape est de déterminer la pression horizontale que le sol exerce sur les renforcements. On utilise la théorie de Rankine pour calculer le coefficient de poussée active \(K_a\). La contrainte horizontale \(\sigma'_h\) augmente avec la profondeur \(z\) et est maximale à la base du mur (\(z=H\)).

Remarque Pédagogique :

Point Clé : On considère que le sol à l'intérieur du massif renforcé est dans un état de poussée active. C'est cette pression horizontale que les nappes de géogrille doivent "retenir" pour que le mur soit stable. La nappe la plus basse subit la plus forte contrainte.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ K_a = \tan^2\left(45^\circ - \frac{\phi'}{2}\right) \]
\[ \sigma'_{\text{h,max}} = K_a (\gamma H + q) \]
Donnée(s) :
  • \(\phi' = 34^\circ\)
  • \(\gamma = 19 \, \text{kN/m}^3\)
  • \(H = 4.8 \, \text{m}\)
  • \(q = 10 \, \text{kPa}\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} K_a &= \tan^2\left(45^\circ - \frac{34^\circ}{2}\right) \\ &= \tan^2(45^\circ - 17^\circ) \\ &= \tan^2(28^\circ) \\ &\approx 0.283 \end{aligned} \]
\[ \begin{aligned} \sigma'_{\text{h,max}} &= 0.283 \times (19 \times 4.8 + 10) \\ &= 0.283 \times (91.2 + 10) \\ &= 0.283 \times 101.2 \\ &\approx 28.64 \, \text{kPa} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Angle de frottement : La valeur de \(K_a\) est très sensible à l'angle de frottement \(\phi'\). Une petite variation de \(\phi'\) a un impact significatif sur la poussée. Il est crucial d'utiliser une valeur de \(\phi'\) bien justifiée pour le remblai de renforcement.

Le saviez-vous ?
Conclusion : Le coefficient de poussée active est \(K_a \approx 0.283\) et la contrainte horizontale maximale à la base est \(\sigma'_{\text{h,max}} \approx 28.64 \, \text{kPa}\).

Question 2 : Effort de Traction Maximal (\(T_{\text{max}}\))

Principe :
Zone Sv σ'h,max Tmax

Chaque nappe de géogrille doit reprendre la poussée des terres sur sa "zone d'influence" verticale, qui est définie par l'espacement vertical \(S_v\). L'effort de traction maximal s'exerce sur la nappe la plus basse, car elle est soumise à la contrainte horizontale maximale.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : Le calcul suppose que la contrainte horizontale est constante sur la hauteur d'influence \(S_v\). On prend la valeur de la contrainte au niveau de la nappe pour ce calcul. Pour la nappe la plus basse, on prend la contrainte maximale à la base du mur pour plus de sécurité.

Formule(s) utilisée(s) :
\[ T_{\text{max}} = \sigma'_{\text{h,max}} \times S_v \]
Donnée(s) :
  • \(\sigma'_{\text{h,max}} = 28.64 \, \text{kPa} = 28.64 \, \text{kN/m}^2\)
  • \(S_v = 0.6 \, \text{m}\)
Calcul(s) :
\[ \begin{aligned} T_{\text{max}} &= 28.64 \, \text{kN/m}^2 \times 0.6 \, \text{m} \\ &\approx 17.18 \, \text{kN/ml} \end{aligned} \]
Points de vigilance :

Unités de l'effort : L'effort \(T_{\text{max}}\) est exprimé en kN par mètre linéaire de mur. Les résistances des géogrilles (\(T_{al}\)) sont également données dans cette unité, ce qui rend la comparaison directe.

Le saviez-vous ?
Conclusion : L'effort de traction maximal dans la nappe inférieure est \(T_{\text{max}} \approx 17.18 \, \text{kN/ml}\).

Question 3 : Vérification à la Rupture par Traction

Principe :
Tmax Tmax Résistance Tal

C'est la vérification de stabilité interne la plus simple : on s'assure que la résistance admissible de la géogrille (\(T_{al}\)) est supérieure à l'effort de traction maximal (\(T_{max}\)) qu'elle doit reprendre.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : La résistance \(T_{al}\) est une valeur "admissible" ou de "design". Elle est déjà réduite par le fabricant pour tenir compte des effets à long terme comme le fluage (déformation sous charge constante), les dommages d'installation et la dégradation chimique. On la compare donc directement à l'effort de calcul.

Formule(s) utilisée(s) :

La condition de stabilité est :

\[ T_{al} \ge T_{max} \]
Donnée(s) :
  • \(T_{al} = 30 \, \text{kN/ml}\)
  • \(T_{max} = 17.18 \, \text{kN/ml}\)
Calcul(s) :

Il s'agit d'une simple comparaison :

\[ 30 \, \text{kN/ml} \ge 17.18 \, \text{kN/ml} \]
Points de vigilance :

Choix de la Géogrille : Il est crucial de choisir une géogrille dont la résistance admissible \(T_{al}\) est certifiée pour une durée de vie compatible avec celle de l'ouvrage (souvent 75 ou 100 ans) et pour les conditions chimiques du remblai utilisé.

Le saviez-vous ?
Conclusion : La condition est vérifiée. La géogrille choisie est suffisamment résistante à la traction.

Question 4 : Longueur d'Ancrage et Longueur Totale

Principe :
Zone active Zone résistante Géogrille (L) La Le

La longueur totale \(L\) de la géogrille se compose de deux parties : la longueur dans la zone active \(L_a\), qui s'ancre au-delà du plan de rupture, et la longueur d'ancrage \(L_e\) dans la zone stable, qui mobilise le frottement pour résister à l'effort de traction.

Remarque Pédagogique :

Point Clé : Il ne suffit pas que la géogrille soit assez résistante, elle doit aussi être assez longue pour ne pas "glisser" hors du sol. La longueur d'ancrage \(L_e\) est la longueur sur laquelle le "grip" du sol sur la géogrille est mobilisé pour retenir la force de traction \(T_{max}\).

Formule(s) utilisée(s) :
\[ L_a = (H - z) \tan(45^\circ - \phi'/2) \]
\[ L_e = \frac{T_{max} \times F_S}{2 \times C_i \times \sigma'_v \times \tan(\phi')} \]
\[ \sigma'_v = \gamma z + q \]
\[ L = L_a + L_e \]
Donnée(s) :
  • Nappe la plus basse : \(z = H = 4.8 \, \text{m}\)
  • \(T_{max} = 17.18 \, \text{kN/ml}\)
  • \(C_i=0.8\), \(F_S=1.5\), \(\phi'=34^\circ\)
Calcul(s) :

Calcul pour la nappe la plus basse (z=4.8m) :

\[ \begin{aligned} L_a &= (4.8 - 4.8) \tan(28^\circ) = 0 \, \text{m} \end{aligned} \]
\[ \begin{aligned} \sigma'_v &= \gamma H + q = 19 \times 4.8 + 10 = 101.2 \, \text{kPa} \end{aligned} \]
\[ \begin{aligned} L_e &= \frac{17.18 \times 1.5}{2 \times 0.8 \times 101.2 \times \tan(34^\circ)} \\ &= \frac{25.77}{109.37} \approx 0.24 \, \text{m} \end{aligned} \]

Une longueur minimale d'ancrage de 1m est généralement requise. On a donc \(L = L_a + L_e = 0 + 1.0 = 1.0 \, \text{m}\). Cette valeur est très faible. Il faut aussi vérifier la nappe la plus haute (z=0.3m, au milieu de sa zone d'influence).

Calcul pour la nappe la plus haute (z=0.3m) :

\[ \begin{aligned} L_a &= (4.8 - 0.3) \tan(28^\circ) \approx 4.5 \times 0.5317 = 2.39 \, \text{m} \end{aligned} \]
\[ \begin{aligned} \sigma'_v &= 19 \times 0.3 + 10 = 15.7 \, \text{kPa} \end{aligned} \]
\[ \begin{aligned} \sigma'_h &= K_a \sigma'_v = 0.283 \times 15.7 \approx 4.44 \, \text{kPa} \end{aligned} \]
\[ \begin{aligned} T &= \sigma'_h \times S_v = 4.44 \times 0.6 = 2.67 \, \text{kN/ml} \end{aligned} \]
\[ \begin{aligned} L_e &= \frac{2.67 \times 1.5}{2 \times 0.8 \times 15.7 \times \tan(34^\circ)} \approx \frac{4.0}{16.94} \approx 0.24 \, \text{m} \end{aligned} \]

Encore une fois, \(L_e = 1.0 \, \text{m}\) (minimum). Donc \(L = L_a + L_e = 2.39 + 1.0 = 3.39 \, \text{m}\). On retient la longueur la plus grande. On choisit donc une longueur uniforme \(L = 3.5 \, \text{m}\) pour toutes les nappes.

Points de vigilance :

Longueur critique : La nappe qui requiert la plus grande longueur totale n'est pas forcément celle du bas. Celle du bas nécessite la plus grande résistance à l'arrachement (\(L_e\)), mais celle du haut nécessite la plus grande longueur pour dépasser le plan de rupture (\(L_a\)). Il faut vérifier plusieurs niveaux.

Conclusion : La longueur critique est dictée par la nappe supérieure. On retient une longueur uniforme de \(L = 3.5 \, \text{m}\) pour toutes les géogrilles.

Simulation Interactive de la Stabilité

Faites varier la hauteur du mur, l'angle de frottement du sol et la résistance de la géogrille pour voir comment l'effort de traction et la longueur requise évoluent.

Paramètres du Mur
Traction max (Tmax)
Longueur requise (L)
Résultats du Dimensionnement

Foire Aux Questions (FAQ)

Quel est le rôle du parement dans un mur renforcé ?

Le rôle principal du parement est d'empêcher l'érosion du remblai en façade et de fournir un aspect esthétique. Contrairement à un mur poids, il n'a pas de rôle structurel majeur dans la stabilité globale, qui est assurée par le massif de sol renforcé lui-même.

Et la stabilité externe ?

Tout comme pour le mur en gabions, une fois le bloc de sol renforcé dimensionné (largeur L, hauteur H), il faut vérifier sa stabilité externe : glissement sur la base, renversement, et poinçonnement du sol de fondation. Les calculs sont similaires à ceux de l'exercice sur les gabions, en considérant le bloc renforcé comme un mur poids unique.


Quiz Final : Testez vos connaissances

1. Si l'espacement vertical \(S_v\) entre les géogrilles est diminué, l'effort de traction dans chaque nappe :

2. La longueur d'ancrage \(L_e\) est nécessaire pour :


Glossaire

Géogrille
Géosynthétique de renforcement à structure ouverte, qui reprend les efforts de traction dans un massif de sol.
Stabilité Interne
Vérification de la sécurité contre les modes de rupture internes au massif renforcé, comme la rupture par traction ou par arrachement des renforts.
Longueur d'Ancrage (\(L_e\))
Longueur de la nappe de géogrille située dans la zone de sol stable (derrière le plan de rupture), nécessaire pour mobiliser une résistance au glissement suffisante.
Résistance Admissible (\(T_{al}\))
Résistance à la traction à long terme d'une géogrille, fournie par le fabricant, qui tient compte des réductions dues au fluage, aux dommages et à l'environnement chimique.
Calcul de la stabilité d'un mur en remblai renforcé par géogrilles

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